Des mezzo-sopranos et contraltos exceptionnelles

 

 


Marian Anderson

Contralto américaine (27.02.1897 - 08.04.1993)

Dès l'âge de 6 ans, elle entre dans le chœur de l'église Union Baptist à Philadelphie, sa ville natale. Elle va chanter toutes les tessitures pendant plusieurs années, avant que, sous l'égide du pasteur et avec le soutien de la communauté religieuse, elle bénéficie d'une bourse pour lui permettre de suivre des cour de chant et poursuivre des études, sa famille étant démunie et son père décédé très tôt (en 1909). Elle prend ensuite des cours privés, auprès d'Agnès Reifsnyder puis  le ténor et professeur Giuseppe Boghetti, l'entrée à l'Académie de musique de Philadelphie lui ayant été refusée, au motif qu'elle était "noire". Ainsi préparée, elle emporte en 1925 le premier prix d'un concours de chant organisé par le New-York Philharmonic, ce qui lui permet ainsi de se produire pour un concert à New York. Elle y remporte un certain succès auprès du public et la critique. Elle reprend des cours et effectue une série de concerts aux Etat-Unis à la fin des années 20, y compris à Carnegie Hall en 1928. Au début des années 1930, elle fait ses débuts en Europe avec des tournées qui la mènent à Londres (Wigmore hall), Berlin, Paris et en Scandinavie au cours desquelles elle se lie d'amitié avec Sibelius qui composera des mélodies pour elle. En 1939, elle chante lors d'un concert en plein air devant le mémorial Lincoln à Washington, grâce au soutien du Président Roosevelt et de son épouse. Elle enchaîne les concerts et tournées à travers le monde entier et marque l'histoire du Metropolitan Opera de New-York en étant la première chanteuse "noire" à s'y produire, en 1955, dans Un bal masqué de Verdi. Puis en 1961 elle chante pour la prise de fonction de Kennedy comme Président des Etats-Unis. Elle met fin à sa carrière à l'issue d'un ultime concert à Carnegie hall en 1965. Elle est honorée et reçoit de nombreux prix e décorations au cours des années sui suivent. Elle décède à l'âge de 96 ans, après avoir été toute sa vie, outre une immense chanteuse, une figures importante du combat contre la discrimination raciale aux Etats-Unis.

Elle disposait d'une voix très chaude et veloutée, avec des graves d'une profondeur inouïe. Son chant était empli d'une émotion fortement communicative. Pour s'en faire une idée, on pourra d'abord écouter la rhapsodie pour alto de Brahms avec Pierre Monteux en 1945 ou encore le Spiritual Crucifixion enregistré en 1941 et qui permet d'entendre l'un des moments les plus extraordinaires en matière de chant, vocalement sidérant, d'une émotion et d'une ferveur exceptionnelles.

 

 

Agnès Baltsa 

Mezzo-soprano grecque (née le 19.11.1944)

Née à Lefkada, sur l'île ionienne de Leucade, elle étudie le piano puis entame à l'âge de 14 ans des cours de chant au conservatoire d'Athènes. En 1965 elle part se perfectionner à Munich. Elle effectue ses débuts en 1968 dans le rôle de Cherubin des Noces de Figaro de Mozart à l'opéra de Francfort, restant dans la troupe de l'opéra jusqu'en 1972. Elle se produit dès 1970 à la Deutsche Oper de Berlin dans le rôle du compositeur dans Ariane à Naxos de R.Strauss, avant d'apparaître à Londres et l'opéra de Vienne à compter de 1976, opéra auquel elle restera attachée tout au long de  sa carrière.

Elle est aussi pour la première fois au festival de Salzbourg en 1977 avec Herodias dans Salomé de Strauss sous la direction de Karajan. Dans ces années 1970 sa carrière se poursuit sur la scène internationale, à la Scala de Milan, l'Opéra de Paris et le Metropolitan Opera de New New-York où elle chante régulièrement entre 1979 et 1988 Octavian dans Le chevalier à la rose ainsi que Carmen. 

Elle aborde un répertoire assez large, avec les grands rôles du répertoire français comme Dalila ou Carmen, le répertoire italien bel canto et les grands Verdi, mais aussi Wagner, avec Venus dans Tannhäuser ou Kundry dans Parsifal, puis dans les années 2010 Klytemnestre qu'elle chante à différentes reprises aussi bien à Toulouse qu'à Vienne. Elle incarne encore début 2013 à Vienne l'un de ses grands rôles, L'italienne à Alger puis de nouveau quelques Klytemnestre en 2017 et 2019. 

Outre ces grands rôles du répertoire lyrique dans lesquels elle a remporté une série de triomphes, elle défend les mélodies grecques qu'elle chante en récitals et enregistre également en disque. Elle incarne par ailleurs le rôle de Vera Litassy-Eltz dans un film policier autrichien aux côtés d'Otto Schenk. 

Parmi ses multiples témoignages en studio ou en live, on pourra écouter tout particulièrement son incarnation incandescente d'Eboli à l'opéra de Vienne le 6 mai 1979 sous la direction de Karajan, live publiée par Orfeo, ou cette superbe et déterminée Isabella dans L'italienne à Alger dirigée par Claudio Abbado et enregistrée en 1987 en marge de la série de représentations données toujours à l'Opéra de Vienne. On y retrouve particulièrement dans ces enregistrements tout son engagement scénique intense, son agilité vocale, et la grande volupté d'un timbre très riche, immédiatement reconnaissable.

 

Teresa Berganza

Mezzo soprano espagnole (06.03.1935 - 13.05.2022)

Née à Madrid, elle est initiée enfant par son père, musicien amateur, au piano et au solfège. Elle apprend ensuite le piano, l'orgue, le violoncelle, l'harmonie, la composition. Au conservatoire de Madrid, elle se tourne vers le chant et est formée par Lola Rodriguez Aragon. Cette dernière, elle-même élève d'Elisabeth Schumann et amie du compositeur Turina, restera longtemps après ses débuts, la professeure de Berganza. 

Elle fait ses débuts en public en février 1957 à Madrid dans des soirées de mélodies et Lieder, dont le cycle de Schumann L'amour et la vie d'une femme. Après être également apparue à la RAI dans Les tréteaux de Maitre Pierre de De Falla, elle effectue ses véritables débuts sur scène au festival d'Aix en Provence dans le rôle de Dorabella dans Cosi fan tutte, Gabriel Dussurget l'ayant remarquée lors d'une audition. Sa carrière prend immédiatement une dimension internationale avec l'année suivante sa présence au festival de Glyndebourne en Chérubin dans Les noces de Figaro puis à Dallas aux côtés de Maria Callas dans Medea de Cherubini. Durant les années 1960 elle devient une chanteuse incontournable de la scène internationale, en particulier dans ce rôle de Cherubin, apparaissant au Metropolitan Opera de New-York, à Covent Garden, à l'Opera de Vienne et toujours Aix en Provence pour Didon et Enée de Purcell ou le Couronnement de Poppée de Monteverdi. 

Elle enchaîne les succès avec ses incarnations dans les opéras de Rossini qu'elle reprend sous la direction de Claudio Abbado en particulier, que ce soit La Cenerentola ou Le barbier de Séville qu'elle enregistre également en opéra filmé. Deux autres moments importants marquent encore sa carrière internationale à la fin des années 1970, d'abord sa prise de rôle de Carmen avec Abbado au festival d'Edimbourg en 1977 puis le tournage du Don Giovanni avec Joseph Losey et Rolf Liebermann en 1979, dans le rôle de Zerlina. Dans les années 1990 elle se retire des productions lyriques mais poursuit une intense activité de concerts et récitals à travers le monde, jusqu'en 2008. 

Outre ses grands rôles à la scène, elle a beaucoup défendu le répertoire des mélodies espagnoles et la zarzuela, considérant ce répertoire parfois supérieur aux opéras de Donizetti. 

Avec ses différents enregistrements en studio complétés de divers live, sa carrière et son répertoire sont particulièrement bien documentés, tant dans le domaine de l'opéra que des mélodies et même du répertoire sacré.

Avec un timbre fruité et clair, une grande attention à la diction et une articulation, des interprétations sobres mais justes, elle s'est imposée comme l'une des chanteuses les plus accomplies et et appréciées du public dans la deuxième moitié du 20e siècle. Outre son enregistrement de référence du rôle de Carmen aux côtés de Domingo et sous la direction d'Abbado, on reviendra vers ses interprétations  rossiniennes restées célèbres et très justes de Rosina et de la Cenerentola toujours avec Abbado au début des années 1970. Aux prémices du grand renouveau rossinien, elle offre une interprétation parfaitement équilibrée, tout en finesse, fluide, avec des vocalises qui coulent sans aucun effet démonstratif, un modèle. 

  

site internet Teresa Berganza

 

 

Olga Borodina

Mezzo-soprano russe (née le 29.07.1963)

Après des études au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, encore appelée Leningrad en cette période, elle remporte un premier prix au concours Glinka de l'Union en 1987. Cela lui permet d'être remarquée et engagée au Kirov, célèbre théâtre Mariinsky de la même ville. Elle y débute en 1988 dans le rôle de Siebel, dans Faust de Gounod puis aborde d'emblée le grand rôle de sa carrière, Marfa, dans la Khovanshtchina de Moussorgsky. Un enregistrement est publié par Philips, qui collabore alors avec Gergiev et le Kirov pour une série d'enregistrements d'opéras russes. Elle participe aux tournées de la troupe en Occident, notamment en France, au Théâtre des Champs-Elysées, au début des années 1990. Elle figure immédiatement parmi les artistes les plus remarquées de la troupe, contribuant à la diffusion d'un répertoire peu joué depuis l'après-guerre, sinon par des troupes bulgares. Hors du Mariinsky, Kirov, elle donne de nombreux récitals, concerts et participe à de multiples productions lyriques à l'Opéra de Paris, à Covent Garden à Londres, au Metropolitan Opera de New-York, l'Opéra de Vienne … Elle y aborde les grands rôles de mezzo non russe, comme Carmen, Dalila, la Cenerentola, Amneris dans Aida, Eboli dans Don Carlo, la princesse de Bouillon dans Adrianna Lecouvreur notamment. Malgré sa carrière internationale, elle demeure fidèle au théâtre Mariinsky et continue de s'y produire encore aujourd'hui dans ses plus grands rôles et entouré des chanteurs qui ont fait la célébrité en Occident du Mariinsky des années 1990.

Olga Borodina s'inscrit dans la lignée des plus grandes mezzos russes du 20e siècle que furent S.Preobrajenskaia, N.Obukhova ou I.Arkhipova . Elle dispose de ce timbre extrêmement rond, chaud, soyeux caractéristique, d'une égalité absolue sur toute la tessiture, lorsqu'elle était au sommet de sa carrière. L'intensité de ses interprétations, que ce soit Marfa ou Eboli, ou dans le cycle de mélodies Chants et danses de la mort de Moussorgsky, en a ainsi fait une figure essentielle du répertoire lyrique international depuis le début des années 1990. Surtout elle aura contribué, grâce à son talent et au sein d'une troupe exceptionnelle, à faire redécouvrir un répertoire lyrique russe (Rimsky-Korsakov, Moussorgsky, Borodine), assez mal connu jusque là, en dehors de la Russie et de quelques spécialistes. 

Les témoignages discographiques sont nombreux et permettent d'écouter un éventail assez large de son talent et de son répertoire. Outre un sublime enregistrement de Samson et Dalila effectué à Londres avec José Cura et Colin Davis à la direction, ce sont tous ses enregistrements réalisés avec Gergiev et le Kirov des années 1990 qui méritent d'être entendus. En premier lieu, il y a bien sûr Marfa, mais aussi Pauline dans La dame de pique de Tchaïkovski, où elle offre une ligne vocale d'une extraordinaire souplesse et un timbre exceptionnel.

 

site internet Olga Borodina

 

 

Grace Bumbry

Mezzo-soprano américaine (04.01.1937 - 07.05.2023)

Attirée par le chant après avoir pu écouter Marian Anderson en concert, elle gagne à l'âge de 16 ans un concours organisé par la radio locale à Saint Louis puis elle prend des cours de chant à Boston à partir de 1955 puis Chicago où elle bénéficie des conseils de la soprano  Lotte Lehmann et enfin à Santa Barbara. Elle débute dès 1960  à l'Opéra de Paris dans le rôle d'Amneris dans Aida de Verdi. Elle y rencontre un énorme succès qui l'amène à Bayreuth l'année suivante dans le rôle de Venus dans Tannhäuser, marquant le début d'une longue carrière internationale, de la Scala de Milan au Metropolitan Opera de New-York en passant par Londres et Salzbourg. Après une première période où elle chante les grands rôles de mezzo, elle élargit son répertoire à des rôles de mezzo dramatique, aussi bien Tosca, Abigaille dans Nabucco de Verdi et même Turandot de Puccini dans le courant des années 1970 et 80. Elle revient aux rôles de mezzo sur les dernières années de sa longue carrière, avec une participation marquante aux Troyens de Berlioz lors de l'inauguration de l'Opéra Bastille en 1991. Si elle fait des adieux officiels à l'opéra en 1997, elle continue de s'y produire ponctuellement jusqu'en janvier 2013 avec la Comtesse dans La dame de Pique de Tchaikovsky.

Si la chanteuse refusait le principe de la classification restrictive entre le répertoire de mezzo et celui de soprano, elle reste néanmoins avant tout célèbre pour ses incarnations de grands rôles de mezzo. Elle doit également de rester dans l'histoire du chant pour avoir été la première chanteuse "noire" à  se produire à Bayreuth. Mais c'est bien sûr la beauté exceptionnelle de sa voix, avec un timbre d'une rondeur et d'une richesse rare, alliée à un tempérament dramatique très fort, qui marquent l'histoire du chant lyrique. Parmi les nombreux témoignages en studio et live qui demeurent, il ne faut pas manquer sa Carmen donnée en 1967 aux côtés de Jon Vickers, son Eboli survoltée au Met en 1972 et bien sur sa Venus à  Bayreuth en 1961 ou 1962 (les deux live ayant été publiés) dégageant une volupté et une incandescence jamais égalée à ce jour.

Enfin la longévité exceptionnelle de sa carrière aura aussi contribué à en faire l'une des figures marquantes du monde lyrique du 20e siècle.

 

site internet gracebumbry.com

 

 

Brigitte Fassbänder

Mezzo-soprano allemande (née le 3.07.1939)

Elle apprend le chant auprès de son père, le baryton Willi Domgraf-Fassbänder, au conservatoire de Nuremberg. Elle débute à l'opéra de Munich en 1961 dans plusieurs petits rôles, tel celui d'un page dans Lohengrin de Wagner, puis dans le rôle plus important de Niklaus des Contes d'Hoffmann d'Offenbach. Elle y enchaîne au cours des saisons suivantes de nombreuses prises de rôle, dont celui d'Octavian dans Le chevalier à la rose de R.Strauss, qui sera l'un de ses rôles privilégiés. Dans les années 1970, elle se produit au Covent garden à Londres, au Metropolitan Opera de New-York, la Scala de Milan, l'Opéra de Vienne et bien sûr le festival de Salzbourg. Elle apparaît également au Festival de Bayreuth pour deux saisons seulement dans Waltraute au début des années 1980. Elle aborde de nombreux rôles à l'opéra, au cours de cette carrière internationale, tel Carmen, Marina dans Boris Godounov, Charlotte dans Werther de Massenet, Eboli dans Don Carlo de Verdi, Dorabella dans Cosi fan tutte de Mozart, Brangäne dans Tristan und Isolde de Wagner, mais surtout celui d'Octavian puis Kytemnestre dans Elektra de Strauss ou encore la princesse Geschwitz dans Lulu de Berg, etc …. Elle est également une grande interprète de Lieder. Elle est nommée "Kammersângerin" en 1970. Elle met fin à  sa carrière comme chanteuse en 1995 et se consacre depuis à l'enseignement, mais aussi à la mise en scène de façon active, avec plusieurs productions encore en 2019, principalement en Allemagne (Munich, Francfort, Braunschweig …).

Elle a laissé de nombreux enregistrements audio et vidéo aussi bien dans l'opéra qu'en musique sacrée et de Lieder.

Elle disposait d'une voix exceptionnellement riche, chaude et souple, comme on peut l'entendre en particulier dans ses enregistrements des années 1960 et 1970. On pourra ainsi écouter son enregistrement du Lied Seligkeit (D.433) réalisé en 1974, avec Erik Werba au piano. L'élasticité et le moelleux de la voix sont extraordinaires et lui permettent un mouvement et une fluidité dans cette pièce exceptionnels. La chanteuse est par ailleurs restée célèbre pour l'intensité de l'expression, voire l'expressionnisme qui transparaît dans ses interprétations.  Son enregistrement du Voyage d'hiver de Schubert avec Aribert Reinmann réalisé en 1988 pour EMI (dont la pochette du disque était illustrée par une aquarelle de la chanteuse) est un témoignage saisissant de l'intelligence et la force expressionniste de ses interprétations. Ses enregistrements du Chant de la terre avec C.M Giulini et F.Araiza ou du rôle du Prince Orlofvsky dans La chauve souris de Johann Strauss dirigé par Carlos Kleiber sont également fascinants. Enfin l'enregistrement vidéo du rôle d'Octavian dans Le chevalier à la rose avec Carlos Kleiber reste un moment légendaire.

 

 

Kathleen Ferrier

Contralto anglaise (22.04.1912 - 08.10.1953)

Elle naît dans le Lancashire dans une famille intéressée par la musique, sa mère étant elle-même chanteuse. Mais elle apprend d'abord le piano et passe différents concours amateurs au cours des desquels elle témoigne de réelles qualités. En 1926 elle doit travailler comme standardiste à la Poste britannique tout en continuant de prendre des cours de piano. Elle prend quelques années plus tard des premiers cours de chant et se présente à un concours en 1937 qu'elle remporte. Elle prend alors des cours de chant et commence à  se produire comme chanteuse professionnelle. C'est en participant aux concerts organisés par le CEMA (Council for the encouragement of the arts) pendant la guerre qu'elle acquiert une certaine renommée et se fait remarquer par le chef Malcolm Sargent. C'est lui qui la fait débuter à Londres fin 1942. Après s'être perfectionnée auprès du baryton Roy Henderson, elle se produit dans le Messie d’ Haendel, aux côtés de Peter Pears, à l'abbaye de Westminster en 1943 marquant le début de sa carrière internationale. Elle va alors se produire à travers le monde, en récitals et en concerts, ayant très peu abordé l'opéra dans lequel elle ne sentait pas tout à fait à l'aise, à l'exception d'Orphée et Eurydice de Gluck et The Rape of Lucrezia de Britten en 1946.  En 1951, il lui est diagnostiqué un cancer du sein contre lequel elle va lutter pendant près de deux années avant d'y succomber, quelques mois après avoir remporté un succès à Covent Garden à Londres dans Orphée et Eurydice

Elle disposait d'une voix rare de véritable contralto. Comme l'a écrit le grand pianiste Gerald Moore, sa voix était chaude, vibrante et pure et "son humanité touchait l'âme" ("Faut-il jouer moins fort ?"). Pour s'en convaincre, on bénéficie heureusement d'un legs discographique constitué par Decca, passionnant et relativement important au regard de sa carrière dramatiquement écourtée. Son enregistrement du Chant de la terre de Mahler avec Bruno Walter est une référence indépassable, tout comme les extraits des Rückert Lieder qu'ils ont gravés ensemble en 1952. On pourra aussi écouter plus particulièrement l'air "Erbarme dich mein Gott" dans la Passion selon Saint Matthieu, enregistrée en 1950 avec Karajan (live 1950). Son timbre unique, la beauté de la ligne vocale, l'émotion contenue en font un moment saisissant. 

Un concours en son nom est organisé chaque année depuis 1956 et a vu décerner ses dernières années un prix à des artistes telles Kate Royal, Lucy Crowe ou Elisabeth Watts

Avec une voix aussi exceptionnelle, l'intensité de l'émotion et une vie trop brève, la chanteuse, considérée par Bruno Walter comme irremplaçable, est entrée dans la légende.

 

Site internet www.kathleenferrier.org.uk/

 

 

Marylin Horne

Mezzo-soprano américaine (née le 16.01.1934)

Elle naît à  Bradford en Pennsylvannie dans une famille de musiciens qui l'initie dès l'âge de quatre ans au chant. Sa famille part s'installer en Californie lorsqu'elle a onze ans. Elle se forme à l'université de Caroline du sud, notamment auprès de William Vennard, professeur de chant réputé et de la professeure et accompagnatrice canadienne Gwendolyn Koldofsky. Elle y suivra également des master classes de Lotte Lehmann. Elle effectue rapidement des voix pour la Metro-Goldwyn Mayer. C'est ainsi qu'en 1954 elle est la voix de Dorothy Dandridge dans le film Carmen Jones. Elle effectue aussi des émission de télévision pour des show de variété. 

En 1956 elle part en Europe pour se lancer dans la carrière lyrique et se produit à Gelsenkirchen en Allemagne dans des rôles de soprano, notamment Minnie dans La fille du Far-West de Puccini ou Antonia dans Les contes d'Hofmann d'Offenbach. Elle apparaît également au festival de Salzbourg dans un petite rôle de servante dans Elektra en 1957. En 1960 elle est invitée par l'opéra de San Francisco pour chanter Marie dans Wozzeck de Berg et se concentre désormais sur les rôles de mezzo. Elle est ensuite recommandée au chef Richard Bonynge, époux de Joan Sutherland, et participe ainsi à une série de représentations dans Beatrice di Tenda de Bellini aux côtés de la soprano australienne. Ce sera le début d'un duo qui va marquer le monde de l'opéra et triompher dans plusieurs opéras de Bellini ou Rossini, notamment La Norma en 1964 puis Semiramis en 1965 au Met. Elle apparaît en 1969 à la Scala de Milan dans Le siège de Corinthe de Rossini et devient dans les années 1970 et 1980 une artiste incontournable du monde lyrique avec une série de grands rôles travestis. Elle marque ainsi avec plusieurs prises de rôle comme Tancredi de Rossini, Rinaldo d'Haendel, ou encore Orlanda furioso de Vivaldi en 1978 à Venise qui va marquer profondément la période de renaissance de l'opéra baroque. Elle contribue largement alors au succès de la réhabilitation d'œuvres majeures alors méconnues du public. Elle enchaîne en même temps avec les grands rôles de mezzo comme Dalila, Carmen, Amneris, Orfeo de Gluck. Enfin elle est une figure de la redécouverte du renouveau du style rossinien avec ses incarnations de la Cenerentola ou Isabella dans L'Italienne à Alger. Elle participe au grand concert donné à la Fenice de Venise pour le bicentenaire du théâtre. Elle reçoit de nombreuses médailles et récompenses et est invitée à chanter lors de la cérémonie de prise de fonction de Bill Clinton en 1993 comme Président des Etats-Unis. 

Elle se retire des la scène en 1998 et se lance dans l'enseignement à Santa Barbara.

Véritable star aux Etats-Unis, un musée lui est consacré depuis 20017, dans un bâtiment Art Déco au sein de l'Université de Pittsburgh en Pennsylvanie.

Avec une discographie fournie, on peut facilement encore aujourd'hui mesurer ses qualités vocales et sa virtuosité hors normes, ainsi que son apport décisif dans la résurrection des répertoires baroques et belcantistes au cours des décennies 70 et 80. 

 

Site internet musée Marylin Horne

 

 

Magarete Klose

Alto allemande (6.08.10902 - 14.12.1968)

Née à  Berlin en 1899 ou 1902 selon les sources, elle doit occuper jeune un poste de secrétaire pour aider sa famille suite au décès de son père. Dans les années 1920 elle étudie malgré tout le chant au conservatoire Klindorth-Scharwenka, fondé en 1893. Elle débute en 1927 à Ulm dans l'opérette d'Erich Kalmann La comtesse Maritza puis dans le rôle d'Azucena dans le Trouvère de Verdi. Elle rejoint les troupes des opéras de Kassel puis Manheim entre 1928 et 1931 et retrouve sa ville natale en rejoignant la troupe de la Staatsoper pour une majeure partie de sa carrière. Elle va s'y produire dans de nombreux grands rôles comme dans Elektra, Le trouvère, Lohengrin, Rienzi. Elle est également invitée à la Royal Opera House à Londres pour y incarner Ortrud dans Lohengrin, Fricka dans la Tétralogie et Brangäne dans Tristan et Isolde. Elle participe au festival de Bayreuth de 1936 à 1942. Elle devient ainsi l'un des grands mezzo wagnériennes de cette époque. Entre 1949 et 1955, elle quitte momentanément la Staatsoper pour la Städtische Oper (aujourd'hui la Deutsche Oper), avant d'y revenir jusqu'en 1961, année où elle met fin à sa carrière scénique. Après guerre elle a poursuivi une carrière importante, se produisant à Munich, Dresde, Milan, San Francisco ou encore Buenos Aires.

Outre ses grandes incarnations wagnériennes, elle aborde d'autres grands rôles de mezzo comme Carmen, Dalila, Orfeo, Amneris ou Eboli. Elle effectuera ensuite des cours et master-classes à Salzbourg, et a pu se produire dans quelques concerts.

Pilier de la Staatsoper de Berlin pendant une trentaine d'années, elle s'est imposée par une voix ample, chaude et ronde, au style impérial. Elle était capable de nuancer sa grande voix pour traduire une marge palette d'intentions et d'émotions. On pourra s'en convaincre totalement en écoutant son enregistrement de la romance de Ratmir dans Rouslan et Ludmilla de Glinka. Bien que chanté en allemand, son interprétation est d'une incroyable poésie, chargée de retenue, avec une conduite de la ligne de chant exceptionnelle. Malgré un répertoire assez varié, elle marquera pour toujours par ses inoubliables incarnations wagnériennes. Il y a bien sûr cette légendaire Fricka dans l'enregistrement de la Walkyrie en 1954 avec Furtwängler.

Mais peut-être plus encore il faut écouter et réécouter cette insurpassable Brangäne en live à Berlin en 1947 ou à Hambourg en 1949 sous la direction d'Hans Schmidt-Isserstedt. Elle livre des appels de Brangäne au 2e acte d'une beauté et d'une émotion incomparables, avec des phrases conduites comme en totale apesanteur. 

 

 

Waltraud Meier

Mezzo-soprano allemande (née le 09.01.1956)

Née à Würzburg dans une famille amateure de musique, elle s'intéresse très jeune au chant, notamment en participant à plusieurs chorales de l'école qu'elle fréquente. Elle entame des études de langues tout ne prenant des cours de chant en parallèle et décide de se lancer dans une carrière lyrique. Elle débute ainsi en 1976 à l'opéra de sa ville natale, dans le rôle de Lola dans Cavalliera rusticana. Elle apparaît, dans les troupes des opéras de Mannheim jusqu'en 1978, puis Dortmund, Hannovre et Stuttgart, comme mezzo-soprano. Dans le même temps elle entame une carrière internationale, à Buenos Aires, dans le rôle de Fricka qu'elle à différentes reprises. Sa consécration vient avec sa prise de rôle de Kundry en 1983 à Bayreuth, en alternance avec Leonie Rysanek. Elle le chantera pendant une dizaine d'année à Bayreuth, mais aussi à travers le monde, dans ce qui sera l'une de ses incarnations les plus marquantes de sa carrière et du monde de l'opéra.  L'autre étape décisive de sa carrière est sa prise de rôle dans Tristan et Isolde en 1993 à Bayreuth, avec Siegfried Jerusalem, sous la direction de Barenboïm et dans la mise en scène d'Heiner Muller. Elle reprendra ce rôle dans une autre production majeure, celle de Patrice Chéreau à la Scala de Milan, en 2007/2008, toujours avec Barenboïm, mais sans Jérusalem cette fois. Outre ses autres grands rôles wagnériens que sont Ortrud dans Lohengrin, Venus dans Tannhäuser et Sieglinde dans La Walkyrie, sa carrière internationale lui permet toutefois d'aborder d'autres rôles tels que Fidelio, Eboli dans Don Carlo de Verdi, Didon dans Les Troyens de Berlioz ou encore une mémorable Marie dans Wozzeck d'Alban Berg. En 2015 elle fait ses adieux au rôle d'Isolde et en 2016 à celui de Kundry qu'elle a inlassablement chanté à travers le monde et très régulièrement aux côtés de Barenboïm à Berlin. Ce sont à  chaque fois des événements même si la voix est plus tendue que 20 ans plus tôt. Elle marque ensuite de toute sa personnalité le rôle de Klytemnestre qu'elle incarne dans l'ultime mise en scène de Patrice Chéreau, d'abord à Aix en Provence, mais aussi à New-York, Paris, Vienne notamment. Elle accepte de revenir à Bayreuth en 2018 pour le rôle d'Ortrud dans Lohengrin, après 18 ans d'absence. En 2017 elle est nommée membre d'honneur de l'opéra de Vienne où elle s'est produit environ 150 fois, après avoir déjà été nommée Kammersängerin en 1998. Elle devait continuer à se produire dans Klytemnestre, Waltraute dans le Crépuscule de Dieux en 2020 à Vienne et Berlin. Elle se produit également régulièrement pour des récitals de Lieder.

La chanteuse a été l'une des grandes figures du chant wagnérien de la deuxième moitié du 20e siècle, bien qu'elle n'ait pas abordé le rôle de Brünnhilde. L'intensité de ses interprétations tant vocales que comme actrices, avec une voix souple, la conduite exemplaire de la ligne de chant et la projection de la voix ont fait de chacune de ses apparitions un moment exceptionnel. Elle a été l'une de ces figures et voix qui marquent dès leur entrée et dès la première note à peine lancée. Son charisme et l'engagement physique et vocal est total dans chacune de ses incarnations, avec une voix qui porte quelque chose de séducteur mais aussi de noble à chaque instant. Elle est sans doute la plus extraordinaire Kundry et l'une des plus fascinantes Isolde du 20e siècle. Elle restera pour toujours comme l'une des immenses interprètes wagnériennes, à l'instar des quelques très grandes figures qui avaient marqué le Neues Bayreuth dans les années 1950.

 

site internet www.waltraud-meier.com

 

 

Martha Mödl

Mezzo-soprano allemande (22.03.1912 - 17.12.2001)

Née à Nuremberg dans une famille où le père est peintre, elle ne s'oriente pas pour autant vers des études artistiques et se lance rapidement dans la vie active avec des postes de secrétaire puis de comptable. Elle aborde finalement le chant à seulement 28 ans, en prenant des cours au conservatoire de Nuremberg, puis se perfectionne à Milan. Elle débute sa carrière en 1942, dans Hansel et Gretel d'Humperdinck au théâtre municipal de Remscheid, en Rhénanie Nord Westphalie. Elle la poursuit dans la troupe de l'opéra de Düsseldorf puis Hambourg, en 1949 avec divers rôles de mezzo, tels Mignon d'Ambroise Thomas, Carmen de Bizet, Azucena dans Le Trouvère de Verdi, Octavian dans Le chevalier à la rose ou encore Dorabella dans Cosi fan tutte de Mozart. Elle interprète le rôle de Kundry dans Parsifal à la Scala de Milan en 1950, mais c'est surtout parce que Wieland Wagner l'entend en Venus dans Tannhäuser qu'il va l'inviter pour la réouverture du festival de Bayreuth en 1951 et qu'elle va ainsi devenir une chanteuse wagnérienne incontournable. Elle y chante ainsi Kundry, Isolde, Sieglinde, Brünnhilde. Elle se produit à travers le monde dans ses grands rôles wagnériens, ainsi que dans Fidelio, personnage qu'elle incarne en 1955 pour l'inauguration de l'opéra de Vienne reconstruit. A partir des années 1960, elle revient au répertoire de mezzo, avec les rôles de La nourrice dans La femme sans ombre et Clytemnestre dans Elektra de Richard Strauss. Elle va poursuivre  sa carrière avec de nombreux seconds rôles et créations contemporaines, jusqu'à la fin des années 1980, sans jamais faire d'adieux à la scène. 

On peut la considérer, comme elle le disait elle-même, comme une mezzo claire plutôt que comme une pure mezzo-soprano. C'est ce qui l'a amené à aborder les rôles de soprano dramatique tout au long des années 50. Son extraordinaire engagement et son timbre un peu rauque dégagent un magnétisme hors du commun qui ont rendu ces incarnations de Kundry et d'Isolde absolument insurpassables et légendaires. Sa voix est malheureusement altérée par la fréquentation de ces grands rôles wagnériens durant les années 50, ce qui l'amène ainsi vers des rôles de caractère. Là-aussi son engagement dramatique exceptionnel vont lui permettre en particulier de marquer de son empreinte  le rôle de Clytemnestre. 

On peut heureusement l'entendre dans ses plus grands rôles à Bayreuth. Les bandes radio des Parsifal avec Knappertsbusch en 1952 et 1957 sont fascinants, celle de 1956 étant moins prioritaire, la chanteuse retenant la version où les notes aiguës sont transposées à l'octave inférieure. Bien sûr, l'enregistrement fait en 1951 par les équipes de Telefunken sur place est une référence absolue. Avec son Isolde en 1952 dirigée par Karajan, sa Brünnhilde en 1953 ou sa Sieglinde en 1954 dirigées par Joseph Keilberth, on entend toute la force de ses incarnations et on perçoit la fascination qu'elle suscitait sur scène.  

Elle reste avant tout dans l'histoire lyrique pour avoir été l'une des figures légendaire du Nouveau Bayreuth et sans doute la plus fascinante Kundry du 20e siècle avec Waltraud Meier qui auront su comme aucunes autres transcrire successivement une telle volupté et une telle véhémence à travers le chant. On n'oubliera cependant pas non plus sa fabuleuse Isolde, sa Clytemnestre démentielle ou son Fidelio déchiré.

 

 

Giulietta Simionato

Mezzo-soprano italienne (12.05.1910 - 05.05.2010)

Née dans la région de Bologne, elle part avec ses parents dans la région de Venise où elle commence à prendre des leçons de chant. Elle effectue ses premières apparitions comme amateure au théâtre de Rovigo dans les années 1927 et 1928. Malgré la réticence de ses parents, elle se lance malgré tout dans une carrière professionnelle, avec ses débuts en 1932, probablement dans le rôle de Lola dans Cavalliera rusticana de Mascagni, à Montagnana. En 1933 elle remporte le concours de chant belcanto de Florence devant 385 concurrents, Tullio Serafin faisant notamment partie du jury. Ce prix lui vaut d'être engagée au théâtre communal de Florence pour la création d'un opéra de Pizzetti, Orseolo, en 1935. Elle apparaît ensuite à la Scala de Milan, où elle est cantonnée à des seconds rôles pendant une dizaine d'année, peut-être du fait d'un manque d'adhésion aux idées du régime fasciste. C'est en effet à partir de 1946 que les grands rôles vont enfin lui être proposés. Elle incarne ainsi Dorabella dans Cosi fan tutte de Mozart en 1946, lors d'une tournée de la Scala en France, puis triomphe dans le rôle-titre Mignon d'Ambroise Thomas en 1947 à la Scala même, rôle qu'elle affectionnait particulièrement. C'est le début d'une carrière internationale de près de 20 ans dans les plus grands rôles de mezzo du répertoire italien et français. Elle a abordé en tout 117 rôles différents (selon la chanteuse dans une interview), dont les grands Verdi, mais aussi la période bel canto, avec Rossini, Donizetti et Bellini. Elle renonce en revanche à des rôles tels Ortrud dans Lohengrin de Wagner ou Lady Macbeth dans l'opéra de Verdi, plus pour un manque de sensibilité à ces personnages que pour des raisons d'ordre purement vocal. Elle participe aux grands moments de l'histoire de l'opéra d'après-guerre, comme la résurrection d'Anna Bolena en 1957 avec Maria Callas ou celle des Huguenots en 1962 avec Corelli, à la Scala, ou Don Carlo en 1958 et Le Trouvère en 1962, tous deux avec Karajan au festival de Salzbourg.

Elle se retire de la scène en 1966, encore en pleine gloire, dans le rôle de Servilla dans La Clémence de Titus de Mozart. Elle disparaît de nombreuses années plus tard, 7 jours avant de fêter ses 100 ans.

Elle disposait d'une voix ample, souple et chaude, avec un aigu particulièrement facile. Elle abordait tous ses rôles avec un style très élégant mais également en forte adéquation avec le compositeur et sa période. On reste surpris par l'intelligence de son approche de Rosina, Isabella, bien avant la renaissance rossinienne des années 80. Ses incarnations dans Verdi sont marquées par la puissance de ses interprétations et la noblesse de son chant. Elle sait aussi faire ressortir avec élégance toute la volupté de Dalila dans Samson et Dalila de Saint-Saens. En outre, sa prononciation française était plutôt bonne pour une chanteuse italienne, à une époque souvent beaucoup moins soucieuse de cette préoccupation.

Pour se convaincre ou se souvenir quelle immense chanteuse elle fut, on pourra privilégier quelques enregistrements live historiques, à commencer par son Azucena dans le Trouvère de Verdi, bien sûr à Salzbourg avec Leontyne Price, Franco Corelli et Ettore Bastianini en 1962, mais peut-être plus encore à Mexico en 1950, aux côtés de Callas, Kurt Baum et Leonard Warren. Outre ses grandes rôles de Verdi déjà mentionnés ou Anna Bolena indispensables, on pourra aller l'écouter dans l'un de ses autres grands rôles, celui de Leonora dans La Favorite de Donizetti (en studio ou en live à Mexico en 1949 ou Naples en 1963), et puis dans une sublime Adalgisa dans Norma en 1965 à Milan, avec Leyla Gencer. Les airs qu'elle a gravés en studio permettent de l'entendre dans des conditions sonores plus satisfaisantes et on commencera par sa sublime interprétation de l'un de ses personnages fétiches, Mignon, et l'air "Connais tu le pays", sous la direction de Previtali en 1956 (chez Decca).

 

 

Kertin Thorborg

Mezzo-soprano suédoise (19.05.1896-12.04.1970)

Après quelques cours particuliers elle entre à l'école royale supérieure de musique de Stockholm  pour se former au chant. Après être apparues dans quelques seconds rôles, elle débute en 1924 à l'Opéra royal de Suède dans le rôle d'Ortrud dans Lohengrin de Wagner. Après six années dans la troupe de l'opéra elle rejoint celle de l'opéra de Nuremberg pour deux années. Bruno Walter la fait venir à Berlin, à la Städtische Oper (aujourd'hui la Deutsche Oper). Mais en 1935 elle quitte Berlin pour fuir le nazisme. Elle rejoint alors l'Opéra de Vienne où elle débute par Amneris dans Aida de Verdi. Elle se  produit également régulièrement au festival de Salzbourg avec notamment Orfeo de Gluck, Eglantine dans Euryanthe de Weber ou encore Brangäne dans Tristan et Isolde de Wagner. Elle est régulièrement invitée au Royal Opera House à Londres où elle apparaît dans Fricka, Kundry, Brangäne ou Klytmenestre dans Elektra de Strauss. Et dès 1936 elle fait aussi partie des artistes réguliers du Metropolitan Opera de New-York où elle va interpréter de nombreux rôles wagnériens mais aussi Marina dans Boris Godounov ou Octavian dans Le chevalier à la rose. C'est là qu'elle s'installe à compter de 1938, suite à l'Anschluss en Autriche. Outre le Met, elle chante également ses grands rôles à Chicago ou San Francisco. Elle rentre en Suède en 1950 et se retire alors de la scène.

Sa mémoire reste immanquablement liée aux grands personnages de mezzo wagnériens qui ont fait sa légende. Les différents live réalisés notamment au Met permettent de mesurer quelle exceptionnelle chanteuse elle fut. On la retrouve ainsi dans une impériale Fricka dans La Walkyrie par exemple en décembre 1941 sous la direction d'E.Leinsdorf, dans une impressionnante Erda dans Siegfried en janvier 1937. On peut encore l'écouter dans ce qui peut-être le rôle qui marqua sa carrière, Ortrud, en 1943 face à l'Elsa d'Astrid Varnay, cette dernière devant être la plus extraordinaire Ortrud la décennie suivante. Thorborg incarne un personnage d'une grande noblesse tout en sachant être véhémente, avec son timbre si profond et une ligne de chant soignée même lors des imprécations du 2e acte.

Enfin elle fut une très grande interprète du Chant de la terre de Mahler avant l'arrivée de l'exceptionnelle Kathleen Ferrier. On peut l'y entendre soit sous la direction de Walter à Vienne en 1936, soit plus tard en 1944 à New-York sous la direction d'Arthur Rodzinsky. Avec son timbre si profond, elle déploie un chant d'une expressivité poignante qui marque l'interprétation du cycle malhérien.

 

 

Shirley Verett

Mezzo-soprano américaine (31.05.1931 - 05.11.2010)

Elle naît en Louisiane, mais ses parents décident de partir pour la Californie afin d'échapper à des regains de racisme. C'est là que, soutenue par son père, qui lui a donné des leçons de chant, elle se présente à une compétition de chant et se fait remarquer par le baryton John Charles Thomas mais décline la proposition d'aller suivre les cours de Lotte Lehmann. Elle reprend finalement des leçons de chant en 1955 puis rentre à la Julliard School, et fait ses débuts à l'opéra en 1957 dans The rape of Lucretia de Britten. Elle entame véritablement sa carrière internationale en 1962 avec le rôle de Carmen à Spoleto puis au Bolchoï en 1963. Elle se produit au cours des années suivantes dans divers grands rôles de mezzo à Londres, au Mai musical florentin, à l'opéra de Vienne ou le Metropolitan de New-York où elle débute en 1968 à nouveau dans Carmen.  Dans les années 1970, elle élargit son répertoire en abordant des rôles de soprano, sans pour autant abandonner ceux de mezzo. Elle reste célèbre pour avoir chanté lors d'une même soirée les rôles de Cassandre et Didon dans Les Troyens de Berlioz en 1973, remplaçant Christa Ludwig malade dans le second rôle. Elle inscrit ainsi à son répertoire Tosca, Norma, Amelia dans Un bal masqué de Verdi, Desdémone dans Otello de Verdi et même Fidelio de Beethoven en 1983. Elle participe également à la production des Troyens donnés en 1990 pour l'inauguration de l'Opéra Bastille. Elle fait ses adieux à la scène lyrique en 1992 dans Leonora de La Favorite de Donizetti en Espagne puis continue de donner des récitals. Elle figure également en 1994/95 à une comédie musical de Broadway, Carousel. Au cours des années suivantes, elle donne des cours, dirige une nouvelle production à Broadway et écrit une autobiographie. 

Outre un superbe timbre, avec des couleurs assez claires et radieuses, elle faisait preuve d'une technique exceptionnelle qui lui a permis d'effectuer cet élargissement de son répertoire vers les rôles de soprano, sans altérer sa voix et assurer une carrière riche de plus de 30 ans. Elle offrait une ligne de chant d'une grande noblesse et élégance, n'altérant jamais la beauté du timbre, qui la rendit irrésistible dans des grands rôles de reine du répertoire belcantiste (Elisabetta dans Maria Stuarda de Donizetti avec Leyla Gencer en 1967 à Florence) ou verdien (Don Carlo en 1970 à Vienne avec Corelli et Janowitz) et bien sûr sa légendaire Lady Macbeth, dont l'enregistrement studio effectué avec Abbado après une série de représentations à la Scala de Milan. Hormis le répertoire italien, la chanteuse marque aussi l'opéra français, sa voix, sa bonne diction, sa personnalité apparaissant particulièrement en adéquation avec ce répertoire. Les airs gravés en studio de Berlioz (Roméo et Juliette, la damnation de Faust) ou les live des Troyens (à Rome en 1969 avec Marylin Horne et Nicolaï Gedda) ou sur le net (sa Didon à Bastille en 1990) la montrent envoûtante et d'une grandeur extraordinaire. 

 

site internet www.shirleyverrett.com