Gaetano Donizetti (1797 - 1848)
Il existe pas loin d'une centaine de versions du plus célèbre des opéras du compositeur, bien que celui-ci en ait composé plus de 70. Sa notoriété est en partie due à son célèbre air du second acte "Una furtiva lacrima" et parce que le rôle de Nemorino a été chanté par un bon nombre de ténors au cours de leur carrière. Parmi les plus fameux d'entre eux figurent Enrico Caruso, Beniamino Gigli, Cesare Valletti, Giuseppe di Stefano, Carlo Bergonzi, Nicolaï Gedda, Luciano Pavarotti, José Carreras, Roberto Alagna, Rolando Villazon ou plus récemment Vittorio Grigolo.
L'opéra connut un grand succès dès sa création le 12 mai 1832 à Milan (au Théâtre Canobbiana), succès qui ne se démentit pas au cours des mois qui suivirent lors des reprises en Europe, aussi bien à Barcelone, Madrid que Berlin ou Vienne. L’œuvre n'a ainsi jamais quitté le répertoire des théâtres lyriques.
Parmi tous les témoignages qui ont été publiés un moment ou un autre, quelques versions demeurent des piliers de cette riche discographie.
Carlo Bergonzi, Renata Scotto, Giuseppe Taddei, Carlo Cava
G.Gavazzeni - Mai musical florentin 1967
Ce live du mai musical florentin a été publié en disque et en video. Le chef Gianandrea Gavazzeni a souvent dirigé cet opéra et laisse par ailleurs une très belle version en studio en 1952. Il privilégie une nouvelle fois une direction pleine de poésie qui restitue sa juste dimension à un ouvrage qui est davantage qu'une comédie. La distribution est idéale, dominée par le couple Scotto/Bergonzi. La soprano a la voix qui correspond le mieux imaginable au rôle, alliant sa grande technique vocale à une expressivité très directe. Carlo Bergonzi donne une leçon de chant permanente et se glisse parfaitement dans son personnage simple et spontané, sans excès. Le fameux air "Una furtiva lacrima" est un véritable morceau d'anthologie. Aujourd'hui un peu oublié, la basse italienne Carlo Cava (1928 - 2018) a pourtant mené une riche carrière à compter de la fin des années 1950 qui l'a mené de la Scala de Milan à Salzbourg en passant par les Arènes de Vérone ou Glyndebourne. Il apporte une voix profonde et une interprétation comique bien dosée. Enfin Giuseppe Taddei, plus habitué aux grands rôles de baryton verdien, est un Belcore qui en impose.
Giuseppe di Stefano, Renata Scotto, Giulio Fioravanti,
Ivo Vinco
G.Gavazzeni - Chœur et orchestre du théâtre de Bergame 1961
Autre témoignage de Gavazzeni dans cet ouvrage, cette fois-ci dans le temple donizettien le Théâtre de Bergame, le 14 octobre 1961. Il propose toujours une direction fine et poétique. Giulio Fioravanti, baryton au beau timbre assez clair, incarne avec beaucoup d'élégance le personnage de Belcore. La basse profonde Ivo Vinco chante avec beaucoup de verve et de façon enthousiasmante le rôle de Dulcamara. Renata Scotto propose déjà une incarnation idéale en Adina, alliant la jeunesse, l'agilité et une espièglerie parfaitement dosée, tout en montrant dans certaines intonations le caractère affirmé du personnage et tout en offrant une ligne de chant particulièrement soignée. Enfin, Giuseppe di Stefano, dont cela reste l'un des plus grands rôles, demeure encore en 1961 un interprète exceptionnel de Nemorino. Avec un sens comique particulièrement communicatif et un charisme unique, il sait rendre son personnage encore plus attachant qu'aucun autre interprète. La voix n'est certes plus à son apogée mais le charme du timbre transporte toujours. Il cherche constamment à nuancer et fait de certaines fragilités vocales un supplément d'humanité et de profondeur. Ainsi, son air "Una furtiva lacrima" emporte un triomphe auprès du public, qui réclame le bis, dû à l'intensité de son interprétation, au-delà de toute imperfection vocale. On peut retrouver le ténor notamment dans l'enregistrement réalisé en studio en 1955 avec Hilde Güden, vocalement plus à l'aise, mais sans la vie de la scène comme ici.
Roberto Alagna, Mariella Devia,
Pietro Spagnoli, Bruno Pratico
M.Viotti - Choeur Tallis , English chamber orchestra 1992
Pour apprécier cet opéra dans un meilleur confort d'écoute, cette version est certainement la plus satisfaisante. Contrairement aux versions live des années 1950 et 60, elle repose sur une édition critique de la partition. Elle bénéficie d'une interprétation particulièrement soignée et d'une très belle distribution. La direction de Viotti est enlevée, colorée et élégante à la tête d'un très bel ensemble instrumental mais aussi du chœur Tallis. Pietro Spagnoli incarne un Belcore élégant alors que Bruno Pratico, au timbre assez clair et à la voix souple, chante à la perfection Dulcamara. Mariella Devia, spécialiste incontestée du bel canto pendant trente ans, apporte une nouvelle fois une leçon de chant constante, dans l'un de ses très rares enregistrements en studio. Elle justifierait à elle seule d'écouter et recommander cet enregistrement. A ses côtés, on trouve Roberto Alagna dans son premier enregistrement studio d'opéra. Son timbre radieux est une merveille pour ce rôle, tout comme la fluidité de la ligne de chant et le sens des nuances. Cela lui permet ainsi de restituer les différentes facettes de son personnage, traduisant sans excès aussi bien l'aspect naïf sinon puéril que la dimension poétique.