Modest Moussorgsky (1839 - 1881)
L'opéra a été longtemps interprété dans la révision de Rimsky-Korsakov, plutôt sur la base de la seconde version écrite par Moussorgsky en 1872, en un prologue et quatre actes. De
nombreux barytons-basses et basses ont interprété le rôle de Boris et la discographie est plutôt riche, désormais dans les deux versions originales (celle de 1869 en quatre parties et
celle de 1872) ou dans sa version révisée par Rimsky-Korsakov. Comme pour la Khovanchtchina, cette révision a souvent été critiquée, mais longtemps la seule jouée et enregistrée. Les grands
interprètes de Boris sont nombreux : Mark Reizen, Alexander Pirogov, Alexander Kipnis, Boris Christoff, Ivan Petrov, George London, Nicolai Ghiaurov, Martti Talvela, Ruggiero Raimondi, Matti
Salminen, Feruccio Furlanetto .... Ils ont tous laissés des témoignages passionnants en studio ou live.
Mark Reizen, Maria Maksakova, Georgy Nelepp, Nikhander Khanaeiev, Maksim Mikhaïlov, Ivan Kozlovsky
N.Golovanov - Chœur et orchestre du Bolchoi 1948
(révision Rimsky-Korsakov)
La direction déchaînée et tendue de Golovanov soutient Mark Reizen, impérial dans Boris. Son entrée dans la scène du couronnement le montre d'une autorité saisissante, puis il est totalement halluciné lors de ses monologues de l'acte 2. A ses côtés, Deux des plus grands ténors russes - Kozlovsky dans l'Innocent et Nelepp dans le faux Dmitri, sont effectivement inoubliables. Kozlovsky dans son rôle est particulièrement terrifiant. La version comporte malheureusement de nombreuses coupures et le personnage de Rangoni a complètement disparu. Une version identique existe avec Alexander Pirogov en Boris, les autres interprètes sont identiques.
Vladimir Vaneev, Olga Borodina, Vladimir Galusin, Konstantin Pluzhnikov, Nikolai Ohotnikov, Evgeny Akimov
V.Gergiev - Chœur et orchestr du Kirov (Mariinsky) 1997
(version 1872)
L'enregistrement de Gergiev (version originale de 1872) propose une distribution homogène. Vaneev, dans Boris, n'a pas la voix
impressionnante de Reizen, Christoff ou quelques autres, mais son incarnation est fouillée, avec une ligne de chant soignée, il compose un personnage vraiment émouvant. Galusin et Borodina sont
somptueux et l'acte polonais avec Nikitin en Rangoni est superbe. Mais surtout l'orchestre te les chœurs sont magnifiques. Gergiev dirige avec fougue l'œuvre et maintient la tension de bout en bout, comme pouvait le faire Golovanov, mais
ici dans la version intégrale sans coupure. La prise de son permet d'apprécier pleinement les couleurs de l'orchestre comme l'ampleur des scènes de foule.
Hans Hotter, Martha Mödl, Hans Hopf, Lorenz Fehenberger, Kim Borg, Paul Kuen
E. Jochum - Choeur et orchestre de la radio bavaroise 1957
version 1872 (chanté en allemand)
Avec cet enregistrement bavarois, on s'éloigne des couleurs russes. Pour autant elle offre une vision certes différente mais absolument passionnante d'abord grâce à la direction de Jochum, elle aussi dramatique, tendue. Et puis Hans Hotter est un Boris extraordinaire, personnage d'une grande noblesse mais torturé, presque sorti d'un drame shaekesperien. Mödl est une Marina fascinante, Hans Hopf est un Dmitri un peu brutal et vocalement impressionnant. Kim Borg, qu'on peut aussi entendre dans la version de Dobrowen avec B. Christoff (mais dans deux autres rôles), est ici le Pimène le plus somptueux de la discographie, avec Ghiuselev. Son timbre chaud, profond donne un poids extraordinaire à son personnage face à Boris.
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Cet avant-dernier opéra de Moussorgky, commencé en 1872 et inachevé, est resté longtemps assez peu représenté et peu enregistré, jusqu'à la fin du bloc de l'Est. Puis trois versions ont été publiées en quelques années par Tchakarov, Abbado et enfin Gergiev. Les enregistrements mythiques avec Mark Reizen sont également redevenus accessibles. Cela permet ainsi d'apprécier dans d'excellentes interprétations les versions complétées et révisées de l'œuvre par Rimsky-Korsakov (révision constamment décriée), puis par Chostakovitch.
Mark Reizen, Sofya Preobrazhenskaya,
Boris Freidkov, Ivan Nechayev
B.Khaikin - Chœur et orchestre du Kirov (Mariinsky) 1946
(révision Rimsky-Korsakov)
Deux versions ont été enregistrées avec Mark Reizen, l'immense basse ukrainienne. Les deux sont à entendre, celle dirigée par Boris Khaikin bénéficiant d'une distribution peut être plus homogène que la seconde enregistrée en 1950 avec V.Nebolssin. Ici Mark Reizen est peut-être encore plus insurpassable. Avec sa voix absolument phénoménale par sa puissance, sa couleur et son étendue, il campe un personnage empreint d'une autorité absolue et avec une présence unique. Le reste de la distribution est également exceptionnel, avec en tête avec S.Preobrazhenskaya, souveraine dans le rôle de Marfa. L'ensemble est dirigé de façon équilibrée et vivante même si la prise de son ne permet d'apprécier qu'en partie l'orchestre.
Nicola Ghiuselev, Alexandrina Miltcheva, Nicolai Ghiaurov, Zdravko Gadjev
E.Tchakarov - Opéra national de Sofia 1986
(révision Chostakovitch)
Après avoir enregistré une première fois l'opéra (version Rimsky-Korsakov) dans un enregistrement bien dirigé, les bulgares Ghiuselev, Miltcheva et S.Popov (Chlakovity) participaient à une nouvelle intégrale sous la direction de Tchakarov - qui enregistrait alors pour Sony un cycle d'opéras russes. Avec Ghiaurov, passionnant même si la voix est un peu fatiguée, ces chanteurs forment une distribution magnifique. Avec des voix somptueuses ils incarnent leurs personnages avec nuance et une réelle autorité, en particulier Ghiuselev et Miltcheva dans les deux rôles principaux. Tchakarov propose une lecture certes assez peu démonstrative mais qui porte l'ensemble de bout en bout et vraiment fait ressentir l'âpreté de l'histoire et des situations tout au long de l'ouvrage.
Nikolai Okhotnikov, Olga Borodina, Bulat Minjelkiev, Vladimir Galusin
V.Gergiev - Théâtre Mariinsky 1991
(révision Chostakovitch)
L'enregistrement de Gergiev avec sa troupe du Mariinsky a constitué une révélation et contribué à établir leur notoriété au début des années 90 en même temps que leurs tournées internationales. La direction de Gergiev est inspirée, vivante, théâtrale (scène du meurtre d'Ivan Khovansky par exemple). L'orchestre du Mariinsky était déjà magnifique à cette date. L'excellente distribution (Galusin, Alexeyev, Minjelkiev ...) est dominée par la superbe Olga Borodina qui met sa voix si chaude au service d'un personnage jeune et plein de raison, sans doute comme on ne le ressent avec aucune autre interprète. Elle offre ainsi une incarnation particulièrement marquante du rôle. Le prince Ivan Khovanski permet d'entendre la belle basse Minjelkiev, pilier de la troupe de l'époque et décédé prématurément. Nikolai Okhotnikov dispose d'une belle voix et incarne un Dossifei nuancé. Ses moyens vocaux et sa personnalité sont toutefois moins marquants que ceux de Reizen voire Ghiuselev.