Pietro Mascagni (1863 - 1945)

Créé en 1890, cet opéra a immédiatement rencontré un immense succès et a rapidement fait figure d’œuvre fondatrice du mouvement vériste. L'inspiration du compositeur pour des mélodies intenses et l'écriture musicale parfaitement en adéquation avec l’œuvre de Giovanni Verga dont s'est inspiré directement le livret ont sans doute participé de l'engouement suscité. Ici la musique évocatrice tout comme l'histoire d'une tranche de vie de gens simples, dans un opéra au format ramassé, ont un impact immédiat sur le spectateur et viennent rompre avec des œuvres verdiennes ou wagnériennes. Cela représentait aussi une forme de renouveau de l'opéra, quelques années après la création de l'avant dernier chef d’œuvre de Verdi, Otello créé en 1887.

L'opéra doit donc sa popularité à la fois à ses grandes qualités musicales mais aussi au manifeste artistique qu'il constituait, en écho aux préoccupations de la fin du siècle. Il reste comme l'opéra fondateur du vérisme, en dyptique avec Pagliacci de Leoncavallo créé en 1892, les deux opéras, courts et de la même force dramatique, étant régulièrement associés sur scène.

Il s'agit de l'enregistrement, réalisé par la Radio bavaroise et publié par Orfeo, de la soirée du 25 décembre 1978 au cours de laquelle Placido Domingo chantait Pagliacci et Cavalliera rusticana. Dans ce live, Domingo est au sommet de sa forme vocale et son engagement en fait un Turridu enthousiasmant. A ses côtés Leonie Rysanek n'est certes pas très idiomatique mais son incarnation est explosive et une nouvelle fois d'une intensité dramatique extraordinaire. On retrouve également avec émotion Astrid Varnay, mémorable dans le rôle de Mama Lucia. La direction de Nello Santi est engagée et dramatique et nous plonge avec efficacité dans l'atmosphère sicilienne de l'œuvre. 

L'opéra est inspiré d'un roman écrit par deux coauteurs, Emile Erckmann et Alexandre Chatrian, en 1864. Il s'agit du deuxième opéra du compositeur, écrit en 1891, alors que celui-ci a connaît un succès certain avec son premier ouvrage, Cavalliera rusticana. C'est aussi le seul autre opéra du compositeur à rester régulièrement joué, sur la dizaine qu'il a écrit au cours de sa carrière. La popularité de cet opéra est en grande partie due au duo "Suzel buon di" ou le  "duo des cerises", immortalisé en 1937 par Tito Schipa et Mafalda Favero.

Voici une superbe version, totalement idiomatique de cet opéra, issue d'un concert radio donné le 25 avril 1953. Cesare Valletti et Rosanna Carteri dans les rôles principaux sont très émouvants, alliant élégance et simplicité, avec une ligne de chant exemplaire, si l'on accepte de passer outre un style parfois daté. Le célèbre duo des cerises du 2e acte est un moment d'anthologie, dans la lignée de Tito Schipa et Mafalda Favero. Le chef Vittorio Gui assure une direction de grand style. L'intermezzo du 3e acte, dramatique et émouvant, est magnifique.

La prise de son est en revanche précaire et réserve cette version aux amateurs, en particulier pour les voix qui saturent par moments.

Cette version permet d'apprécier dans une très belle qualité sonore cette œuvre et la qualité de l'orchestration de Mascagni. La direction de Veronesi soutient bien l'ouvrage, sans avoir cette évidence de style de Vittorio Gui, peut-être aussi du fait d'un orchestre excellent mais pas totalement idiomatique. Roberto Alagna est un Fritz attachant et superbe vocalement, donnant une dimension particulière au personnage. Gheorghiu est également vocalement somptueuse, même si une certaine sophistication peut sembler parfois inadaptée au personnage de Suzel.

Une belle version moderne portée par deux stars.