Antonin Dvorak (1841-1904)
Créé en 1901, l'opéra le plus connu de Dvorak, sur la dizaine qu'il a composé, n'a malgré tout été que peu enregistré. On compte une quinzaine de versions audio. Il a connu un regain d'intérêt ces dernières années grâce à Renée Fleming qui a porté régulièrement le rôle titre sur différentes scènes et a sans doute permis la réalisation d'un bel enregistrement avec Sir Charles Mackerras.
Mais ce sont trois autres versions qui me paraissent vraiment défendre l'œuvre de bout en bout de la façon la plus convaincante, grâce à des artistes idiomatiques et magnifiques, et trois très grands chefs tchèques.
Milada Subrtova, Marie Ovcacikova, Ivo Zidek, Eduard Haken
Z.Chalabala - Orchestre du théâtre national de Prague 1961
Le chef sait, avec un sens théâtral extraordinaire, créer une magnifique atmosphère féérique, à la fois pleine de poésie et d’intensité dramatique. Avec les timbres chaleureux et typiquement tchèques (notamment les vibratos des clarinettes et des cuivres), on trouve dans cette version un climat littéralement envoûtant. On entend également ici une extraordinaire Milada Subrtova dans le rôle principal, qui en fut l'une des grands interprètes dans les années 1950 et 60. Elle allie un timbre magnifique, lumineux et rond, à une incarnation d'une grande émotion. On dispose de nouveau d'Eduard Haken, presque dix ans après son précédent enregistrement, à nouveau superbe. Ivo Zidek ne dispose certes pas de la même rondeur du timbre que Benö Blachut, mais il incarne un très beau prince, tantôt lyrique, tantôt enflammé et fougueux.
Tout a ainsi été réuni ici pour faire une version à peu près idéale et particulièrement captivante de l'ouvrage.
Ludmila Cervinkova, Marta Krasova, Beno Blachut, Eduard Haken
J.Krombholc - Orchestre du théâtre national de Prague 1952
Première version enregistrée en studio de l’œuvre et en langue originale, elle bénéficie d'abord d'une direction théâtrale et très dynamique du chef tchèque, même si la prise de son met l'orchestre un peu trop en retrait par rapport aux voix. La réussite de cette première version est également due à une très belle distribution, homogène et typiquement tchèque. On y entend tout le lyrisme du ténor tchèque Benö Blachut, distillant un chant toujours très soigné, ainsi que la basse Edouard Haken, grand spécialiste du rôle de l'esprit des eaux. Il allie une grande noblesse et une présence forte. Son monologue du 2e acte est l'un des plus beaux moments de cet enregistrement. Ludmila Cervinkova incarne une belle Rusalka, avec un timbre lumineux, est très investie et expressive, sachant aussi traduire les fragilités de son personnage. Même si elle n'a pas tout à fait une voix aussi soyeuse que Benackova ou Fleming, l'incarnation est sans doute l'une des plus intenses et émouvantes de la discographie.
Cet enregistrement est vraiment marqué par le sens du drame et du théâtre.
Gabriela Benackova, Vera Soukupova, Wieslaw Ochman, Richard Novak
V.Neumann - Orchestre philharmonique tchèque 1983
Les puristes noteront que la soprano Gabriela Benackova-Capova dans le rôle-titre est slovaque et non pas tchèque, mais elle s'impose par la beauté de la voix, avec
un timbre rayonnant et soyeux, et une interprétation simple et franche. Le ténor Wieslaw Ochman lui est polonais. Son incarnation engagée emporte l'adhésion. Richard Novak est un magnifique
esprit des eaux avec sa voix chaude. Les deux mezzo, la grande Vera Soukupova dans la sorcière Jezibaba et la moins connue Drahomira Drobkova incarnent avec force leurs rôles. La direction de
Vaclav Neumann est lyrique et poétique, traduisant bien l’atmosphère féérique. Grâce à une Philharmonie tchèque encore typique, aux timbres et vibratos encore caractéristiques, le chef fait
bien ressortir la richesse de la partition.
L'ensemble offre donc une version somptueuse de l'opéra. Les couleurs tchèques si importantes pour l'atmosphère sont ici toujours bien présentes.
Composé en 1898-1899, juste avant Russalka, cet opéra est nettement moins connu et joué. S'inscrivant pourtant dans
la lignée de Smetana et son opéra La fiancée vendue, Catherine et le diable avait connu un réel succès à sa création et témoigne de l'inspiration de la maturité du compositeur
qui y a consacré un temps important pour sa composition.
Il n'y a, sauf erreur, que deux enregistrements, mais tous deux superbes.
Ludmila Komancova, Premysl Koci, Lubomir Havlak
Z.Chalabala - Orchestre du théâtre national de Prague 1955
Anna Barova, Richard Novak, Milos Jezil
J.Pinkas - Orchestre de l'opéra Janacek de Brno